flexi-sécurité et socialiste-libéral : kesako ?

Publié le par Hugues

A la recherche d’une définition

Ce matin, en écoutant la radio, j’ai appris l’existence d’un nouveau mot : la flexi-sécurité ou flexisécurité… Bref, l’orthographe de ce terme très récent –printemps 2005- et énigmatique n’est pas encore fixée. Durant cinq minutes, les chroniqueurs n’ont eu de cesse de ponctuer toutes leurs phrases par une flexisécurité par-ci, une flexi-sécurité par là. Ils ont eu  recourt à ce mot pour qualifier le Contrat première embauche. Ce néologisme  m’a fait le même effet que le « je suis socialiste-libéral » de Dominique Strauss Kahn dans Télérama du 13 mars 2002.

Socialiste-libéral ? Sur le coups, je me suis dit : « bizarre... Peut on être socialiste et libéral ? ». Le socialisme et le libéralisme politique ne sont-ils pas des doctrines opposées ?!? Ouf ! Le Petit Robert est venu à ma rescousse… Il m’a confirmé que socialiste s’oppose à libéral  politique… Aussi, j’ai tenté de trouver une définition de ce qu’est un socialiste-libéral .  J’ai beau avoir ouvert plusieurs dictionnaires et livres, mais rien. Mot inconnu ! Ainsi, je me suis rabattu sur internet. Même constat : rien dans les encyclopédies en ligne ni dans la presse. Pourtant, les médias ont largement contribué à la vulgarisation de ce néologisme. Utiliseraient-ils des termes dont ils ne maîtrisent pas la définition ?!?

N’ayant toujours pas de définition, j’ai élargi mon champ de recherche. Enfin, je  suis parvenu à trouver une définition sur le blog des socialistes libéraux d’Ile de France : «Parce que nous sommes des socialistes libéraux, nous reconnaissons le rôle du marché, lieu de la production des richesses à partager et des échanges ouverts à l’autre. Nous assumons la concurrence, source d’innovation, de mobilité sociale lorsqu’elle s’oppose aux avantages hérités et aux monopoles constitués. Nous savons que construire une société solidaire, dans le monde tel qu’il est, suppose aujourd’hui, tout en la dépassant, une économie de marché. » A en croire le Petit Robert, cette définition est celle du libéral et non du socialiste !  Ainsi j’en ai conclu que le socialiste-libéral  est une forme de libéral  politique qui a honte de s’afficher comme tel –si vous avez une autre définition, n’hésitez pas à m’en faire part- ! Pour les médias nous devons ce mot à la politique « social » danoise et l’archétype du socialiste-libéral est Tony Blair…

Cette petite disgression étant faite, revenons  à la fameuse flexi-sécurité. Etymologiquement, ce terme a été « créé » à partir des noms flexibilité  et sécurité. Encore une fois, j’ai recours au  Petit Robert. Flexi-sécurité : inconnu. Le suffixe flexi : inconnu aussi ! Donc je me suis attardé sur les définitions suivantes : flexibilité, « aptitude à changer pour pouvoir s’adapter aux circonstances » et sécurité, « situation, état tranquille qui résulte de l’absence réelle de danger ». Ainsi, appliqués au monde du travail, ces deux termes recouvrent des réalités différentes et surtout contradictoires !

Pour y voir plus clair, j’ai eu de nouveau besoin d’internet. Et surprise ! Nous devons aussi ce mot au Danemark ! Bernard Maris, professeur d’économie, a donné un semblant de définition : «  La flexisécurité à la danoise passe par différents points. Les entreprises ont une liberté totale de licencier. Les salariés licenciés sont pris en charge pendant 48 mois mais sont un peu moins payés qu'en France - l'allocation maximale étant de 21.000 euros, contre 65.000 euros en France. […] Il y a un taux de rotation des salariés élevé, de 25-30%. C'est énorme, un quart de la population active change de métier chaque année. Ils doivent accepter le poste qu'on leur propose ou suivre une formation. Tout cela contribue à rendre le marché du travail plus flexible. ». Grosso-modo, à l’image de  socialiste-libéral et à en croire le Petit Robert la définition de flexi-sécurité ou flexisécurité recouvre celle de flexibilité !

Du coup, je m’interroge. Pourquoi certains ont-ils eu besoin de « créer » ces deux néologismes, sachant qu’ils ont le même sens que des mots existants, en l’occurrence libéral et flexibilité ? Pourquoi ce besoin d’accoler ces termes à ceux de socialiste et sécurité ? Pourquoi ne pas dire « je suis libéral » et « je veux plus de flexibilité dans le monde du travail » ? Veulent-ils nous rassurer ? Faudrait-il que nous ayons peur du libéralisme et de la flexibilité ?!?

Autre interrogation : dans ces deux cas, le Danemark est à l’origine des maux mots, devons nous en vouloir aux Danois ? Devons nous y voir une volonté d’européaniser notre langue ou tout simplement d’appliquer en France le « model » danois ?!?

Bref le débat reste ouvert...

Publié dans Billet d'humeur

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J
Remarquez que les apôtres de la flexsécurité se gardent bien de proposer que les personnes qui démissionnent de leur boulot dans l'espoir d'en prendre un autre soient indemnisés par l'Assédic. Autant dire que c'est de la flexibilité à sens unique.Le vocabulaire n'est jamais innocent. D'ailleurs libéralisme est lui-même un mot fourre-tout qui sert le plus souvent à parler du capitalisme.
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G
Bonjour Hugues,Intéressant article qui m'a donné envie de voir plus loin quant à la création des nouveaux mots dans la langue française. Voici, ce que j'ai trouvé en surfant en peu :<br /> Le linguiste Alain Rey disait, dans Le Monde du 28.1.1998, * Dans la vie sociale, les mots nouveaux servent à dissimuler une intention ou une action bien réelle. Donc ils expriment un point de vue politique [...] à côté de leur sens objectif, les mots transmettent des intentions qui peuvent être manipulatrices.<br />  <br /> Vu ici : http://perso.wanadoo.fr/libertaire/archive/98/212-dec/mots.htm<br />  <br /> Et cette idée que les hommes politiques sont attachés à marquer les esprits est aussi confirmée ici : http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/terminologie/fabrique.htm<br /> <br /> Moi je parie qu’ils ont lancé un nouveau concours, celui du meilleur oxymore ;-)<br /> http://fr.wikipedia.org/wiki/Oxymore
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