Big brother à Carrefour : suite (3)

Publié le par Hugues

Face au scandale, Carrefour veut fuir ses responsabilités

 

Filtrage. Suites aux accusations d’espionnage du personnel, le groupe tente d’esquiver en pointant du doigt les sociétés prestataires de service.

Le scandale de l'espionnage illégal de salariés a  réussi à mettre en branle, depuis vendredi, le numéro deux mondial de la distribution. Caméras cachées, micros, filatures sur plusieurs semaines, infiltration dans la vie privée du personnel ou encore mise au point de traquenards afin de licencier « des salariés indésirables »…

Tout le week-end, les réunions se sont enchaînées siège social du groupe, dans 16e arrondissement parisien, pour savoir comment répondre à ces accusations. Résultat, des fusibles sautent. Comme souvent dans ces cas-là, ce sont les éléments périphériques qui sont sacrifiés en premier », commente non  sans ironie Régis Serang, l'ancien agent de sécurité du Carrefour d'Ecully, par qui l'affaire est arrivée.

Selon une source, trois membres de la direction gionale de Rhône-Alpes devraient ainsi être désignés par Carrefour comme les responsables, et sanctionnés en tant que tels. De plus, dans un communiqué daté de samedi la direction générale des hypermarchés Carrefour France promet « de mener un audit sur les méthodes et procédures de contrôle appliquées dans ses magasins », tout en précisant que cette étude portera également sur ses prestataires de service « afin de vérifier la qualité de leur prestation ». Ainsi, le géant français de la grande distribution botte en touche en s'affirmant victime « de comportements individuels en contradiction avec les procédures internes » et surtout en contradiction avec « les valeurs de l'entreprise ».

Or, dans le témoignage de Régis Serange qui, pendant deux ans, a effectué des missions d'espionnage illégales partout en France, en contrepartie d'une promesse d'embauche comme cadre Carre­four, les donneurs d'ordres de ces actions « sous-marines » ne sont pas les sociétés prestataires de service. « Certes, mon employeur direct était Prestige sécurité, mais dans toutes les missions effectuées, les commanditaires ont toujours été soit les responsables sécurité sous couvert des directeurs de magasin, soit sous celle du directeur régional, voire d'un dirigeant national », précise l'ancien agent de sécurité. « Ma société prestataire n'était pas au courant. La mesure aujourd'hui de Carrefour n'est que de la poudre aux yeux, le système illégal va continuer. »

Déjà, d'autres émissaires de cet espionnage social commencent, eux aussi, à faire part de leur expérience. Ainsi Veysal Demiral, un ancien collègue de Régis Serange, qui évoque « les billets disposés près des caisses et les caméras cachées qui filmaient les réactions des caissières ». Dans tous les cas, le groupe Carrefour va devoir s'expliquer en justice, car nombre des « 150 victimes de Régis Serange» viennent de comprendre les méandres de leurs licenciements et vont porter plainte. «Je me savais déjà la cible du harcèlement de mes supérieurs, mais je ne pouvais pas m'imaginer à quel point », témoigne un ex-responsable du rayon décoration d'un hvpermarché. « En leur donnant une attestation et des preuves écrites et vidéo, j’essaie d'aider tous ceux qui ont été brisés, à obtenir au moins une réparation matérielle », explique Régis Serange. De son côté, il va lui aussi attaquer Carrefour pour « travail dissimulé ». Si, à partir d'août 2002, il va concrètement effectuer un travail de cadre Carrefour, il ne signera jamais de contrat avant son éviction début 2004.  

Christelle Chabaud  

Extrait de L’Humanité, 24-01-2006.

Publié dans Lu dans la presse

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