Nestlè : après 21 mois de conflit

Publié le par Hugues

Marseille : adieu Nestlé, bonjour Net Cacao

Au terme de vingt et un mois de mobilisation des salariés, la multinationale cède, ce matin, après cinquante-quatre ans de présence à Saint-Menet, l’activité chocolat au repreneur.

Séquence nostalgie. Dans le local du comité d'établissement de Nestlé de Saint-Menet, les pages se tournent. Celles d'albums déterrés des archives par on ne sait qui. Sur les photos: les cadres dirigeants visitant la toute nouvelle usine, une ouvrière, « charlotte » sur la tête. «31 juillet-1er août 1953», est-il gravé sur la couverture de cuir. «C'était un an après l'ouverture», précise une «doyenne». «T'es sûre?» «Ben, comment je suis sûre, mon père, maçon, il l'a montée, cette usine. » A côté d'elle, deux bébés Nestlé » devenus de grands et solides syndicalistes se remémorent le temps des colonies de vacances du côté de Pontarlier ou Hendaye. Un autre rappelle que le Ricoré, « l'ami du petit déjeuner », est né à Marseille. Lundi, trois collègues ont été surpris, les bras croisés, la mine pensive, contemplant l'unité de production des tablettes de Chocolat: « Elle est belle, quand même, notre usine. »

Ce mardi 31 janvier 2006 a marqué la fin d'une époque: celle de Nestlé à Saint-Menet. Mais, grâce à la mobilisation des salariés, du Groupement de défense de l'emploi à Nestlé-Saint­Menet et dans la vallée de l'Huveaune et à celle de nombreux responsables politiques, l'histoire ne s'arrête pas là. Dès ce matin, Net Cacao reprend le flambeau. Et, en avril, la chocolaterie redémarrera, avec 180 salariés. D'ici là, les 427 Nestlé auront reçu des propositions de reclassements internes au groupe, puis, pour ceux qui n'y trouveront pas leur bonheur, leur lettre de licenciement. Les nombreuses améliorations du « plan social » d'origine arrachées par les représentants du personnel, permettent aux syndicats de se rapprocher de leur objectif: « Pas un chômeur de plus dans le département. » Cent cinq salariés pourront bénéficier des mesures de départ en préretraite. D'autres souhaitent mener à bien un projet personnel. Aujourd'hui, une quarantaine de salariés demeurent dans l'incertitude. « Nous resterons vigilants sur leur avenir », préviennent les syndicats.

Symboliquement, c'est devant l'usine que l'union départementale CGT des Bouches-du-Rhône avait dé­idé d'organiser son rassemblement dans le cadre de la journée d'action interprofessionnelle. «Qu'en serait­il de l'usine Nestlé, de ses salariés, de la vie de leurs familles s'ils n'avaient pas relevé le gant de s'opposer à la multinationale en refusant l'inacceptable dans une vallée où l'industrie a payé un lourd tribut de casse ? » La question est de Mireille Chessa, la secrétaire générale. La réponse, tout le monde la connaît puisque Nestlé l'avait rendue publique le 12 mai 2004 : rien, fermeture.

« Cette lutte a permis aux salariés de Nestlé de se prouver leur force, se félicite Patrick Candela, secrétaire du syndicat CGT du site. Nous n'avons pas pu aller au bout de notre projet alternatif, avec ses 350 emplois. Mais une activité industrielle va continuer sur ce site, avec 180 emplois. Le meilleur plan social, c'est le maintien de l'emploi. » À l'initiative de l'intersyndicale et du Groupement de défense de l'emploi, une « fête de la victoire » aura lieu vendredi soir.

Christophe Deroubaix  

In L’Humanité, 01-02-2006.

Pour en savoir plus

-        Historique des 21 mois de conflit.

-        Là bas, si j’y suis a consacré plusieurs émissions radiophoniques sur ce sujet. Il est encore possible de les écouter.

Publié dans Lu dans la presse

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