Prostitution : les conséquences des lois Sarkozy
A Paris, des prostituées dénoncent le harcèlement policier
PROSTITUTION. Des « traditionnelles » du bois de Vincennes ont occupé hier une agence ANPE.
Elles ont pris Nicolas Sarkozy au pied de la lettre. Hier matin, une trentaine de prostituées du bois de Vincennes ont occupé une agence ANPE dans le XIIe arrondissement de Paris. « Puisque le ministre fait tout pour que l'on ne puisse pas pratiquer notre métier, alors on vient en réclamer un autre ! » explique Muriel, le visage barré par d'épaisses lunettes de soleil. Une action en forme de pied de nez, histoire d'illustrer le désarroi de ces « traditionnelles » qui dénoncent le véritable harcèlement policier qui les empêche de travailler.
« Depuis les lois Sarkozy, ils peuvent nous embarquer pour racolage passif, rappelle Françoise, présidente de l'association Femmes de droit- Droit des femmes, qui regroupe des prostituées traditionnelles, des chercheurs, des juristes, etc. Mais comme les magistrats ne suivent presque jamais, les policiers utilisent désormais un autremoyen pour nous chasser : le PV. » Et depuis six mois, la situation serait devenue intenable dans le bois de Vincennes.
La plupart de ces prostituées indépendantes exercent dans des camionnettes, stationnées ici et là le long des allées bitumées. « Chaque jour, six policiers du commissariat du XIIe viennent nous emmerder, raconte Sandra, la quarantaine. C'est 35 euros le premier PV, puis 90 euros, etc. Une amie en a ainsi cumulé pour 240 euros en une demi-heure ! Ce sont de jeunes flics, agressifs, qui jouent aux cow-boys : ils nous tutoient, nous disent: "Barrez-vous, Chirac veut pas de putes ici !" »
Pourtant, ces prostituées estiment tout faire pour ne pas troubler le voisinage. Selon une « charte » informelle, elles se sont engagées à ne pas travailler les mercredis et les week-ends, ni aux abords des terrains de sport, à calfeutrer les vitres de leurs véhicules, à garder une tenue correcte. « Les réseaux de filles africaines sont partis et les maires des communes voisines ont reconnu que d'énormes efforts avaient été faits. Malgré tout, les flics continuent de s'acharner », s'énerve Muriel.
Comme les autres, cette dernière refuse de quitter le bois de Vincennes. « Les policiers nous disent d'aller plus loin, dans les bois de Melun-Sénart. Mais là-bas, c'est justement tenu par des réseaux. Les filles doivent payer 300 euros à des proxénètes... Ici, on est indépendantes et en sécurité. On veut juste que l'on nous laisse tranquilles. »
Après trois heures d'occupation, les prostituées ont quitté l'agence ANPE. Elles ont obtenu un rendez-vous aujourd'hui avec le responsable du commissariat du XIIe.
Laurent Mouloud
L’Humanité, 21-02-2006.